L'Eve de Piccolofio
Eve n'était pas la première femme, elle était la première femme de ma vie, de celle dont j'ai connu le plus intimement la chaleur, les odeurs intérieures, les vibrations et les contractions, sa nourriture, ses boissons et les quelques grammes de drogues par jour.
Eve n'était pas la première femme, elle était peut-être même un homme, ou un être mi-homme mi-femme, elle a été la mère, le père, l'amante rêvée, la prostituée et le proxénète. Elle m'a donnée la vie, la volonté, et transmis le goût de vendre mon corps comme le sien. Le goût de l'attente et de l'amertume. Le goût amer d'une certaine vie. Une certaine saveur des hommes.
Eve n'était pas la première femme - j'ai été la première femme, et j'avais tué Eve, d'un coup de rein. Un jour quand les hommes avaient usé de ma peau et de mes membres, de mon sexe et de ma langue, et que j'en vomissais à ne plus savoir les compter, un jour est apparu cet homme dans ma vie, il a murmuré à l'oreille, je m'appelle Adam, et s'est introduit dans mon corps comme le premier homme. J'étais boue dans la sienne. Côte parmi les siennes. Bénie de Dieu.
A poussé la jungle autour, luxuriance, atemporalité, ataraxie.
Adam ne s'appelait pas Adam, un mensonge anodin comme un piège joyeux.
Adam a été le premier homme, or je n'étais pas la première femme. Mais Eve, non plus, alors qu'importe...